Dans les eaux chlorées de la piscine des Barracudas de Gaspé se forge quotidiennement un caractère d’acier. À 17 ans, Éli Pelletier impressionne par sa détermination, son éthique de travail et ses performances remarquables qui transcendent les défis géographiques. Pourquoi consacrer d’innombrables heures à perfectionner chaque mouvement dans une région éloignée des grands centres ? La réponse se trouve dans cette volonté de repousser ses limites et cette joie pure que procure la sensation de fendre l’eau toujours plus rapidement.
S’entrainer à Gaspé présente des défis considérables pour un athlète aspirant au niveau national. « La distance. Chaque compétition est loin, même si c’est régional », explique Éli lorsqu’on l’interroge sur les obstacles qu’il rencontre. Ces déplacements fréquents occasionnent des absences scolaires qu’il doit gérer de façon autonome : « C’est à moi de faire des démarches vers les profs pour qu’ils me donnent de l’aide. Ce n’est pas eux qui vont venir vers moi. »
Un modèle d’inspiration
À Gaspé, Éli est devenu bien plus qu’un simple nageur. Pour les plus jeunes du club, il représente la preuve vivante qu’il est possible de participer à des compétitions provinciales et nationales, même lorsqu’on évolue dans un petit club régional. « Pour les plus jeunes, c’est impressionnant de voir quelqu’un performer. On se dit on est un petit club, c’est l’fun de voir que c’est possible », partage-t-il avec humilité.
Dans sa ville natale, sa réputation n’est plus à faire. Les plus jeunes nageuses et nageurs l’ont même surnommé affectueusement « le mini Léon Marchand », en référence au champion français multi-médaillé olympique. Un surnom qui témoigne autant de l’admiration qu’il suscite que du lien fort qui unit les membres de ce club gaspésien.
Cette influence s’étend au-delà de son club. Lors d’une compétition régionale, un autre nageur l’a même abordé : « On m’a déjà demandé comment je fais pour être bon de même ? J’ai répondu parce que je nage à Gaspé », raconte-t-il avec simplicité. Cette anecdote illustre bien comment son parcours transcende le cadre sportif pour devenir un symbole d’espoir et de dépassement, démontrant que l’excellence est possible même loin des grands centres.
Son entraineur, Jérémie Hamel, ne tarit pas d’éloges à son sujet : « Le succès d’Éli ne relève pas de la chance : c’est un athlète extrêmement sérieux et dévoué. Il apprend de ses erreurs et revient toujours en force après une embûche ou une contre-performance. »
Des objectifs ambitieux
Pour la saison à venir, Éli ne cache pas ses ambitions : « Mes attentes, atteindre une finale dans une compétition nationale. J’aime me mettre de grosses attentes, plutôt que de ne pas avoir d’attente du tout. » Il participera à nouveau au championnat canadien et vivra sa première expérience des Essais canadiens à Victoria.
Les Jeux du Canada représentent son objectif principal : « Mon but c’est les Jeux du Canada, c’est mon gros objectif. » Pour y parvenir, sa méthode est simple mais exigeante : « Il faut que je me donne tout le temps à fond. Je ne manque aucun entrainement. Je suis toujours prêt pour chaque compétition. »
Cette préparation rigoureuse lui a valu plusieurs reconnaissances, dont la bourse de la Relève François Bourque et la bourse Accès Nouvelle Génération de la Fondation Aléo. Des soutiens précieux qui, comme il le souligne, « aident à payer les déplacements, à payer de nouveaux maillots. Ça fait plaisir d’être reconnu. D’habiter loin et d’être reconnu quand même. »
La philosophie d’un champion en devenir
Interrogé sur ce qui distingue un bon nageur d’un champion, Éli livre une réflexion d’une maturité surprenante : « C’est la manière que tu penses. Si tu vois un échec comme un échec, tu ne réussiras pas à t’améliorer, mais si tu vois un échec comme quelque chose de bénéfique… Plus tu nages, plus tu vas être bon. »
Lorsqu’on lui demande quel conseil il donnerait aux jeunes athlètes qui rêvent de suivre ses traces, Éli préconise avant tout le plaisir. Il se souvient de ses débuts où il nageait simplement pour la joie que ce sport lui procurait, sans pression de performance. C’est d’ailleurs après la pandémie de COVID qu’il a réalisé un temps lui permettant d’accéder à une compétition provinciale, une surprise totale pour lui qui ne s’imaginait pas capable d’atteindre ce niveau. Cette découverte inattendue de son potentiel illustre parfaitement sa philosophie : c’est en prenant plaisir à pratiquer son sport qu’on développe naturellement ses talents.
Cette philosophie équilibrée se reflète également dans sa vie quotidienne. En dehors de la piscine, Éli pratique le hockey, le ski alpin et le ski de fond en hiver, le vélo et le surf en été. Une polyvalence qui nourrit sa passion principale et maintient un équilibre essentiel pour son développement.
Un avenir prometteur
« Félicitations Éli, ton club, ta communauté et toute la région sont derrière toi et observent avec attention ta progression », conclut son entraineur. Une progression qui semble inexorable tant le jeune nageur combine talent naturel, éthique de travail irréprochable et soutien d’une communauté entière.
À travers les longueurs parcourues dans la piscine de Gaspé, c’est une histoire profondément humaine qui se dessine. Celle d’un jeune homme qui transforme chaque obstacle en opportunité, chaque kilomètre parcouru en expérience enrichissante, et chaque entrainement en pas supplémentaire vers l’excellence.
Éli Pelletier nous rappelle que la distance qui nous sépare de nos rêves n’est jamais aussi importante que notre détermination à les atteindre. Une leçon qui dépasse largement le cadre des bassins de natation.